[Réflexion] Contrat à durée déterminée : Un contrat en voie de disparition ?
La tendance du recours au contrat à durée déterminée est à la hausse depuis de nombreuses années, comme le démontre la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) dans son analyse du 21 juin dernier. En effet en 2017, 87 % des embauches se font en CDD (contre 76 % en 1993). La direction chargée de l’étude du marché du travail en France souligne également une hausse des contrats de très courte durée : 30 % des CDD dureraient moins d’une journée en 2017, 40 % dureraient moins d’un mois (au cours d’un trimestre donné).
Comment s’explique ce recours massif aux CDD depuis ces 25 dernières années ?
Les motifs de recours aux CDD (plutôt qu’en CDI) invoqués par les employeurs sont multiples. Le plus commun (7/10) étant que le besoin en main-d’œuvre est limité dans le temps. Vient ensuite le CDD « d’essai » qui permet à l’employeur de tester les compétences du salarié avant une embauche plus durable (6/10). Enfin, le CDD permettrait aux employeurs de limiter les risques en cas de difficultés économiques liées à un ralentissement de l’activité (dans 5/10 des cas).
L’entrée en vigueur du barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif : un barème qui change la donne ?
La question mérite d’être posée. Peut-on affirmer que « l’engouement » pour le CDD des employeurs restera constant/en hausse après l’entrée en vigueur du barème des indemnités prud’homales ?
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail est venue instaurer un barème des indemnités prud'homales. Ce barème vient encadrer le montant des indemnités prud’homales qu’un salarié peut percevoir lors d’une action en justice face au conseil de prud’hommes pour un licenciement abusif (sans cause réelle et sérieuse). Le montant des indemnités (exprimé en mois de salaire) est fonction de la taille de la structure et de l’ancienneté du salarié au sein de celle-ci. Ainsi, pour une entreprise de plus de 11 salariés, le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié possédant moins d’un an d’ancienneté ne « coûterait » que 1 mois de salaire au maximum pour l’employeur. Dans le cas d’une entreprise de moins de 11 salariés, la même situation n’entrainerait le versement d’aucune indemnité au salarié. Le risque financier lié à un licenciement abusif est donc encadré et limité pour l’employeur. La précarité de la situation du salarié en CDI pourrait, quant à elle, augmenter significativement. Explications.
Le CDI a pour vocation d’être la forme normale et générale de la relation de travail. Le CDD représente une exception à cette forme « normale » de travail et permet à l’employeur d’embaucher de la main-d’œuvre pour une durée limitée : ce cadre imposé à la relation de travail réduit le risque financier pour l’employeur : la rupture du contrat est prévue dès l’embauche, les cas de recours et de ruptures anticipées sont eux aussi prévus par la loi. Le CDD est, par sa nature, un contrat précaire pour le salarié. Le législateur tente de compenser cette précarité par l’instauration d’une prime de précarité. Pour rappel, cette prime est égale (au minimum) à 10 % de la rémunération brute totale versée durant le contrat.
Illustration : un salarié embauché en CDD pendant 11 mois complets au SMIC (1498, 47 €). Sa rémunération totale brute pour 11 mois de travail serait de 16483,17 €. Sa prime de précarité s’élèverait à 1648, 32 €.
Comparons cette illustration avec une situation reprenant les mêmes modalités mais avec une embauche en CDI. Dans le cadre d’un licenciement abusif de l’employeur et si le salarié fait une action en justice auprès du conseil de prud’hommes, le juge ne pourra accorder une indemnité supérieure à 1 mois de salaire que dans le cas où le salarié réussit à prouver une violation d'une liberté fondamentale, un harcèlement moral ou sexuel, une discrimination ou encore par exemple une violation des protections spécifiques liées à la maternité, aux accidents du travail/maladies professionnelles. L’indemnité prud’homale (spécifique au licenciement sans cause réelle et sérieuse) ne serait que de 1498, 47 €.
Le calcul est rapide pour l’employeur : embaucher en CDI pour une durée déterminée est certes illégal mais moins coûteux en cas de contentieux prud’homal (faut-il encore que le salarié lésé entame une action en justice, le « retour sur investissement » sera-t-il réellement positif ?).
Il ressort de cette démonstration que des employeurs peu scrupuleux pourraient préférer recruter en CDI qu’en CDD du fait de la précarisation du CDI amorcée par les ordonnances dites « Macron ». La flexibilité offerte par les ordonnances aux entreprises se fait-elle au détriment de la sécurité d’emploi pour les salariés ? À l’avenir, le CDI restera-t-il garant de stabilité pour les salariés ?
La clause de garantie d’emploi : une solution à la précarité ?
Pour prévenir une rupture abusive du contrat de travail (et l’indemnisation dérisoire qui peut en découler), le salarié peut vouloir négocier une clause de garantie d’emploi au moment de la conclusion de son contrat de travail. La clause de garantie d’emploi est une modalité contractuelle à travers laquelle l’employeur s’interdit de licencier le salarié pendant une période déterminée. En cas de non-respect de cette clause, l’employeur et le salarié peuvent convenir au paiement d’une indemnité. À ce titre, le salarié a tout intérêt à négocier une indemnité à hauteur des salaires qu’il aurait perçue en travaillant jusqu’à la fin de la période prévue par la clause.
Le monde du travail évolue. Les entreprises sont soucieuses de leur flexibilité tandis que les salariés recherchent la sécurité de l’emploi. Quels seront les impacts réels des ordonnances « Macron » sur le choix CDI/CDD ? Affaire à suivre.
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