Risques psychosociaux : malaise chez les forces de l’ordre
Le 3 juillet 2018, la commission d’enquête parlementaire du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure, menée par Michel Boutant et François Grosdidier, a rendu public son rapport.
Malaise, perte de sens, mal-être, démotivation et découragement...Si les termes employés peuvent varier, les forces de l’ordre traversent incontestablement une véritable crise qui met en péril le bon fonctionnement du service public de la sécurité.
Une insuffisante maîtrise des risques psychosociaux…
Les forces de l’ordre (police nationale, gendarmerie nationale, police municipale) sont confrontées à une activité opérationnelle et à une pression sécuritaire inédites (menace terroriste, délinquance en hausse…). Le nombre de suicides témoigne du malaise que connaissent la police et la gendarmerie nationales. En effet, l’année 2017 aura malheureusement été particulièrement marquante sur ce plan, puisque 50 agents de la police nationale se sont suicidés.
Au cours des années 2000, la police et la gendarmerie nationales ont connu d’autres années sombres : 54 suicides en 2000, 50 en 2005, 49 en 2008, 55 en 2014 pour la police, 33 en 2009, 32 en 2011 et 2012 pour la gendarmerie. Le taux de suicide chez les forces de l’ordre est nettement plus élevé que celui du reste de la population. Par exemple, selon une enquête réalisée par le docteur Encrenaz, le taux de suicide dans la police est supérieur à 36 % à celui de la population générale.
De nombreux facteurs expliquent l’importance des risques psychosociaux au sein des forces de l’ordre. Le plus emblématique, car spécifique à un nombre limité de professions, dont les policiers et les gendarmes, est la confrontation à la mort. En effet, le contact avec la souffrance et la détresse humaine comporte une chargé émotionnelle importante qui peut être à l’origine de certaines formes d’épuisement professionnel (burn-out).
Le sens du travail, la cohésion et le soutien de la hiérarchie et des collègues sont des valeurs protectrices face aux difficultés que recouvrent leur métier. Or, comme l’indique David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de police, « les raisons du malaise [policier] se situent notamment dans la crise de sens et de reconnaissance de notre travail. Auparavant les locaux étaient dans un état tout aussi déplorable, mais il y avait une reconnaissance du travail fait par la hiérarchie ».
Pour répondre aux risques psychosociaux, le ministère de l’intérieur dispose d’un réseau territorial important de professionnels de santé et de psychologues. En effet, le SSPO (service de soutien psychologique opérationnelle), comptant 82 postes de psychologues, est le dispositif institutionnel d’accompagnement psychologique le plus existant en France. Mais encore faut-il que ce dernier soit efficace… Un membre de l’Union des policiers nationaux indépendants (UPNI) témoigne de la situation : « en cas de problème, nous avons une psychologue. Mais elle a 23 ans, aucune connaissance du métier de policier, et il faut attendre quinze jours pour un rendez-vous qui a lieu… au sein du service : autant dire que tout le monde est au courant que vous allez mal ! ». Ainsi, les difficultés d’accès aux psychologues et leur manque de légitimité constituent des obstacles à leur effectivité.
"Les gardiens de la paix, au lieu de la garder, ils feraient mieux de nous la foutre !". Comme le montre cette citation connue de Coluche, les forces de l'ordre souffrent également de leur mauvaise image, pas tant dans l'opinion publique qui les soutient mais plutôt si l'on en juge les sondages, par les médias, les politiques, la hiérarchie, qui peut se défausser dès qu'apparaît une difficulté, ou par les magistrats.
Dans son rapport, la commission d’enquête a également constaté que les difficultés matérielles et opérationnelles tendent à accentuer les risques psychosociaux. Le parc automobile de la police est également jugé « vétuste » et le parc immobilier « en situation critique ».
Au-delà du manque de moyens, dans le rapport est souligné la part de responsabilité de l’organisation, des méthodes de management et du fonctionnement des institutions dans les difficultés vécues par les forces de l’ordre.
L’importance de renforcer la prévention des risques psychosociaux
32 propositions ont ainsi été formulées dans le rapport pour répondre au malaise des forces de l’ordre.
Parmi ces propositions, est mis en avant l’accompagnement psychologique des forces de l’ordre par la prévention de suicide, la généralisation des pratiques de débriefing après des interventions sur des situations choquantes. De plus, est proposé de faciliter l’accès des policiers à des dispositifs de soutien psychologique extérieurs à l’institution, mais aussi d’augmenter le nombre de psychologue dans la gendarmerie nationale.
Pour faire face à la crise suicidaire, la commission d’enquête mise sur un dispositif de signalement plus structuré afin de mieux inclure l’ensemble des professionnels de santé et de rappeler la conduite à tenir en cas d’urgence. Si une personne quelconque est informée qu’une personne va passer à l’acte dans l’heure qui vient, il ne faut pas appeler le SSPO mais être en mesure d’appeler un service d’urgence et un service de police pour géolocaliser le portable de la personne. Autre axe, la prévention secondaire qui va permettre de prévenir plus efficacement les situations de fragilité.
La commission d’enquête propose d’améliorer l’accueil, notamment l’accès au logement, le lieu d’affectation, la formation initiale, etc. Elle veut également garantir une meilleure gestion des carrières et du temps de travail (indemnisation des heures non récupérées, critères d’évaluation et de performance, etc.).
Sur le quinquennat, le gouvernement s’est engagé à créer 10 000 postes de policiers et gendarmes. Le 24 janvier 2018, le ministre de l’intérieur, Monsieur Gérard Collomb, a annoncé la réalisation d’une nouvelle série de travaux destinés à moderniser le parc immobilier de la police et de la gendarmerie avec 196 millions d’euros de crédits par an pendant 3 ans (+ 5 % par rapport à 2017) et 101 millions pour la gendarmerie (+9 % par rapport à 2017).
L'équipe juridique Droit-travail-france.fr
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