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Petit lexique pour comprendre les enjeux de la réforme du code du travail.
Le 12 juillet 2017
C’est parti !! Depuis le 10 juillet, le « projet de loi d’habilitation pour le renforcement du dialogue social », soit l’une des promesses majeures du candidat à l’élection présidentielle Macron, est examiné par les Députés. Une réforme qui promet « des désaccords tranchés » selon les mots même de Madame le Ministre du Travail Muriel Pénicaud, tant il est vrai que le projet est ambitieux.
Quelques mots clefs expliqués « pour les nuls » afin de mieux comprendre les enjeux de la réforme du droit du travail
C’est parti !! Depuis le 10 juillet, le « projet de loi d’habilitation pour le renforcement du dialogue social », soit l’une des promesses majeures du candidat à l’élection présidentielle Macron, est examiné par les Députés. Une réforme qui promet « des désaccords tranchés » selon les mots même de Madame le Ministre du Travail Muriel Pénicaud, tant il est vrai que le projet est ambitieux.
A peine un an après l’adoption de la Loi El Khomri qui avait jeté une grande partie de la France dans la rue et suscitée une opposition majeure des syndicats, le Gouvernement a présenté un texte qui va pourtant bien plus loin que la Loi travail votée en 2016, refusant d’emblée les compromis tièdes et les discussions trop longues. « Malgré plusieurs décennies de textes sur le dialogue social, celui-ci n’existe toujours pas dans les TPE-PME », explique Muriel Pénicaud, indiquant également que « c’est pour cette raison qu’il faut trouver une solution opérationnelle ».accord collectif
Les syndicats se montrent globalement prudents, même si certains reconnaissent volontiers l’urgence à réformer des dispositifs pas toujours en phase avec les réalités économiques des entreprises. « Les députés vont travailler sur la carte du restaurant, et nous on commence à travailler sur les recettes des plats », a synthétisé Jean Claude Mailly, Secrétaire Général de FO sur France Inter, reprenant ainsi la formule de la Ministre du Travail.
D’autres, et notamment les communistes et les Insoumis, parlent d’un « projet de démolition sociale » et promettent déjà une « lutte implacable » contre ce qu’ils estiment être « un procédé autoritaire ».
Alors, le projet de réforme du Code du Travail, enfin la réforme tant attendue qui permettra de retrouver la flexibilité et la sécurité dont le marché du travail a à l’évidence éminemment besoin, ou véritable dézinguage en règle des fameux « acquis sociaux » et machine à créer de la casse-sociale ?
Au-delà des idéaux et des concepts, pour bien comprendre la réforme, il faut d’abord en saisir tous les termes. Des termes aussi obscurs qu’un « accord collectif d’entreprise » ou une « délégation unique du personnel ».
Au-delà des idéaux et des concepts, pour bien comprendre la réforme, il faut d’abord en saisir tous les termes. Des termes aussi obscurs qu’un « accord collectif d’entreprise » ou une « délégation unique du personnel ».
Alors pour un petit lexique des termes clefs de la réforme du droit du travail, suivez le guide !
Une Loi d’habilitation, en quoi est-ce différent d’une loi « normale » ?
La Loi d’habilitation est un dispositif très particulier, qui déroge au sacro-saint principe de séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, puisqu’il permet au gouvernement de prendre des textes qui auront valeur de lois dans des domaines qui ressortent du pouvoir du Parlement.
C’est en quelque sorte une coquille vide que le Gouvernement viendra remplir d’ordonnances prises en Conseil des Ministres et qui seront d’application immédiate.
Le Parlement intervient en amont afin de définir le cadre dans lequel le Gouvernement pourra intervenir (c’est la Loi d’habilitation), et en aval afin de valider les ordonnances prises et qui auront alors force de loi (c’est la loi de ratification).
Ordre public, ordre public social, ordre public conventionnel…
L’ordre public est, par définition, l’ordre fixé par les règles impératives en vigueur (loi, règlement, jurisprudence). On distingue l’ordre public absolu, l’ordre public social et l’ordre public conventionnel.
S’il est impossible de déroger à l’ordre public absolu, c’est-à-dire l’ordre relevant de l’intérêt général, des droits fondamentaux et des libertés individuelles et collectives (le droit pénal relève en grande partie de l’ordre public absolu, de même que l’interdiction des clauses d’indexation sur le niveau général des prix par exemple), en revanche, l’ordre public social est supplétif de volonté puisqu’il est possible de déroger à l’ordre public social en raison du principe de faveur (c’est-à-dire le principe selon lequel c’est la norme la plus favorable au salarié qui s’imposera, quel que soit son degré hiérarchique).
Quant à l’ordre public conventionnel, il s’agit des sujets sur lesquels un accord d’entreprise peut venir déroger aux accords de branche dans un sens moins favorable à l’exclusion des domaines de la durée du temps de travail, des repos et des congés.
Le projet de réforme souhaite supprimer l’obligation faite aux branches par la Loi El Khomri de définir leur ordre public conventionnel tout en leur permettant de conserver la main sur certains sujets définis par le législateur. Ce sera le second niveau de la hiérarchie des normes telle que restructurée par le Gouvernement Philippe, qui comprendra notamment, a priori, le handicap et la pénibilité (qui était jusqu’à présent du ressort exclusif des branches).
Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?
En Droit, tous les textes, toutes les règles, n’ont pas la même force. Certaines s’imposent à d’autres de manière impérative. C’est ce qu’on appelle la hiérarchie des normes.
Concrètement, en droit du travail la Loi s’impose aux accords de branche, lesquels s’imposent aux accords d’entreprise, sous réserve du principe de faveur puisqu’on appliquera toujours au salarié la norme la plus favorable, quel que soit son degré hiérarchique. (exemple : un accord d’entreprise qui prévoirait une indemnité de licenciement plus favorable que l’indemnité légale ou conventionnelle s’appliquerait au salarié licencié).
Toutefois, ce principe sacro-saint n’en est plus vraiment un puisque depuis 1982 et les Lois Auroux, le législateur n’a cessé de consacrer de nouvelles exceptions et d’autoriser l’accord d’entreprise à déroger à l’accord de branche dans un sens beaucoup moins favorable au salarié (Loi sur la formation en 2004, Loi de Modernisation sociale de 2008, Loi travail en 2016 par exemple). C’est le cas notamment en matière de durée du temps de travail par exemple, de repos ou de congé où une norme pourtant moins favorable au salarié et négociée en entreprise s’appliquera.
C’est cette multiplication des exceptions au principe de faveur que dénonce Jean Luc Mélanchon lorsqu’il parle de « renversement de l’ordre public social ».
Le projet de loi d’habilitation portant réforme du code du travail présenté par Muriel Péricaud entend au contraire rationnaliser et harmoniser cette hiérarchie en créant 3 niveaux : le niveau où l’accord de branche sera impératif (où les thèmes seront verrouillés), le niveau où sa supériorité sera supplétive de volonté (c’est-à-dire le niveau regroupant les domaines faisant partie de l’ordre conventionnel de la branche, ou les domaines que la branche ne souhaite pas conserver la main), et le dernier niveau où l’accord d’entreprise s’imposera.
Pourquoi dit-on d’un thème qu’il est « verrouillé » ?
Les thèmes verrouillés sont les sujets pour lesquels aucune dérogation par accord d’entreprise ne sera possible. Ce sont les thèmes qui s’imposeront de manière impérative à l’ensemble des acteurs du marché du travail.
Les thèmes verrouillés sont au nombre de 6 actuellement : salaires minima conventionnels, classification des métiers, garanties collectives complémentaires, mutualisation des fonds de formation, prévention de la pénibilité et égalité professionnelle hommes/femmes.
A priori, le Gouvernement souhaite retirer la pénibilité de cette catégorie (ce que souhaitaient notamment les syndicats patronaux), et y ajouter le financement du paritarisme ainsi que la qualité de l’emploi composée notamment de la durée minimale du temps partiel, la régularisation des contrats courts et les conditions de recours aux CDI de projet ou CDI de chantier.
Un accord collectif, c’est quoi ?
La Constitution de 1946 (intégrée dans la Constitution de 1945), affirme dans son préambule que tout salarié « participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail » tandis que l’article L.221-1 du Code du Travail reconnaît expressément « le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi et de travail et de leurs garanties sociales ».
Depuis 10 ans, et en particulier depuis la Loi Rebsamen de juin 2015, une place de plus en plus importante est accordée en France à la négociation collective et au dialogue social (même si aucune définition n’est jamais venue définir effectivement les contours de la notion), c’est-à-dire au dialogue entre employeurs et employés afin de veiller au maintien du bon fonctionnement et de la compétitivité de l’entreprise et à la régulation des droits sociaux, des conditions de travail en particulier.
Concrètement, on distingue la convention collective (qui détermine l’ensemble des conditions de travails et des garanties sociales), et l’accord collectif (plus spécialisé et qui ne porte que sur quelque uns de ces domaines), en fonction de leur champ d’application, qu’il soit géographique (on parlera alors d’accords nationaux, régionaux ou locaux), et/ou professionnel (on parlera dans ce cas d’accords interprofessionnels, de branche ou d’entreprise).
Le projet de réforme porté par Muriel Pénicaud a pour objectif de développer la négociation « au plus près du terrain » en généralisant l’accord d’entreprise, c’est-à-dire en allant plus loin que les Loi Rebsamen de 2015 et El Khomri de 2016.
L’objectif affiché par le Gouvernement –et inscrit dans le texte, est « d’attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise dans le champ des relations individuelles et collectives de travail applicable aux salariés de droit privé ». Les négociations qui se sont également ouvertes ce lundi 10 juillet avec les partenaires sociaux devraient permettre de préciser les domaines qui seront concernés, étant entendu qu’à ce jour, 6 domaines sont réservés à l’accord de branche de manière impérative.
En quoi consiste le mandatement ?
Le mandatement est le fait de permettre à un élu ou à un salarié lambda d’obtenir temporairement un mandat syndical pour conclure un accord avec un employeur toutes les fois où il n’y a pas de délégué syndical (DS) dans l’entreprise.
En pratique, on constate que c’est souvent le syndicat qui négocie directement avec l’employeur, la personne mandatée se contentant de ratifier le texte en fin de process « pour la forme ». Concrètement, c’est un dispositif très peu utilisé car très critiqué.
La réforme Pénicaud s’oriente donc vers l’autorisation de passation d’accords entre des élus non mandatés et un employeur, sous réserve d’une approbation du texte par les salariés via un référendum.
Qu’est-ce qu’une IRP ?
Les Instances Représentatives du Personnel, ou IRP, sont composés des délégués syndicaux (DS), des délégués du personnels (ou DP, obligatoires à partir de 11 salariés), et (obligatoires à partir de 50 salariés) des membres du Comité d’Entreprise (CE) et du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).
La Loi Rebsamen a créé en 2015 la possibilité de mettre en place une Délégation Unique du Personnel (DUP) sur accord d’entreprise et sous réserve de conditions d’effectifs.
Le projet présenté par Muriel Pénicaud ambitionne d’aller plus loin en organisant la fusion des IRP, ce que dénoncent évidemment certaines organisations syndicales.
Que signifie le terme « sui generis » ?
Dernière définition de notre petit Lexique mais pas la moindre, l’expression « sui generis », du latin « de son espèce » désigne en droit du travail un licenciement qui ne peut être classé dans aucune catégorie répertoriée, c’est-à-dire un licenciement relevant de sa seule catégorie (de sa seule espèce), un licenciement spécial donc.
Ce sont des licenciements basés sur une cause réelle et sérieuse, mais qui ne relèvent ni du motif économique, ni du motif personnel ou disciplinaire. Ainsi, les Accords de développement de l’emploi (APDE, également appelés accords offensifs) consacrés par la Loi Travail de 2016 ont pour conséquence la création de licenciements sui generis au profit des salariés refusant de se plier à un APDE que son employeur voudrait lui appliquer.
Au contraire, aujourd’hui les licenciements fondés sur le refus d’un salarié de se voir appliquer un accord de maintien dans l’emploi (AME, ou accords défensifs), donnent lieu à des licenciements pour motif économique.
La réforme Péricaud souhaite harmoniser ces situations. Ainsi, dans tous les cas où la loi disposera qu’un accord collectif prime sur le contrat de travail et qu’un salarié s’y oppose, le licenciement qui s’en suivra pourra être sui generis, c’est-à-dire bénéficier de règles particulières d’indemnisation et éventuellement d’accompagnement. (A noter qu’au travers des derniers échanges, il ne semble pas que cette règle soit un licenciement économique cependant – information à prendre avec toutes les réserves habituelles).
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