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Management autoritaire et harcèlement moral : quelles sont les limites ?

Management autoritaire et harcèlement moral : quelles sont les limites ?
Le 10 août 2018
Des méthodes de gestion, d’organisation du travail et de management peuvent faire l’objet d’abus et virer au harcèlement moral, qualifié aujourd'hui de harcèlement managérial. Quelles sont les limites entre harcèlement moral et management autoritaire ?

Beaucoup d’entreprises l’ont compris, le management autoritaire à l’ancienne n’est plus au goût du jour. Mais certains managers, par confort personnel, habitude ou manque de formation, construisent leurs prises de décision d’une seule et unique, directive. Cette attitude peut générer de nombreux risques, voire déboucher sur du harcèlement moral managérial.

Management autoritaire : quand est-il constitutif de harcèlement moral ?

L’exercice du pouvoir de direction, même de manière autoritaire et générant du stress au travail, n’est pas systématiquement constitutif de l’infraction de harcèlement moral. En effet, lorsqu’ils sont le fait du supérieur hiérarchique, les agissements doivent avoir excédé les limites du pouvoir de direction pour être qualifiés de harcèlement moral.

La qualification de harcèlement moral est écartée lorsque les actes imputés à l’employeur ne visent pas directement et spécifiquement un salarié mais affectent tout ou partie du personnel. Ainsi, il n’y a pas de harcèlement moral dès lors que le comportement reproché concerne tous les salariés.

Une limite est donc à apporter ici car pour parler de harcèlement, la victime doit être individualisée. Une dégradation des conditions de travail qui toucherait tout un groupe de salariés n’entrerait pas dans la catégorie de harcèlement moral.

La chambre sociale de la Cour de cassation dans arrêt du 16 décembre 2009 (n°08-44.575) est venue contrer cette limite : « L'existence de plusieurs victimes des faits de harcèlement commis par un supérieur hiérarchique n'exonère pas l'employeur des conséquences de tels agissements à l'égard de l'un des salariés qui les a subis ». Le harcèlement moral peut être retenu même s’il est collectif, au sens où tout ou partie des salariés sont concernés par les pratiques mises en œuvre.

Récemment dans un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 juin 2018 (n°17-82.649), les juges d’appel ont relaxé un chef cuisinier de faits de harcèlement moral.

Les juges ont relevé que la manière dont ce dernier s'adressait au personnel était autoritaire, dans la mesure où il claquait des doigts et criait, mais que ce comportement, inadapté en terme de management du personnel, ne caractérisait pas suffisamment des faits de harcèlement moral, dès lors que ces propos, gestes et attitudes étaient tenus à l'égard de tout le personnel dans le contexte particulier du travail en cuisine.

Ici, le secteur d’activité a été pris en compte par la Cour d’appel pour écarter le harcèlement moral.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au motif qu’une telle motivation n’était pas suffisante. En effet, pour elle, le chef cuisiner s’était livré à des faits répétés au sens de l’article 222-33-2 du Code pénal, propres à caractériser l’élément matériel du harcèlement moral.

Les juges du fond n’ont pas recherché si les faits poursuivis ne dépassaient pas les limites du pouvoir de direction du chef de cuisine.

Attention, le comportement du salarié doit également être pris en considération pour apprécier le caractère abusif de l’exercice du pouvoir de direction.

Le management autoritaire : une méthode inefficace, pourquoi ?

Le management autoritaire ou dit « paternaliste » a aujourd’hui des retombées négatives. Manager de manière stricte, c’est mettre en avant des règles et des limites. Les horaires doivent être intégrés, les deadlines respectées, le travail géré et rendu dans les temps.

Les salariés connaissent parfaitement les attentes du manager. Le plus souvent, ils le craignent car ils savent qu’ils n’ont pas d’excuses pour rendre un travail en retard. Ils intègrent aussi le fait que c’est lui qui décide et que les différences de points de vue seront toujours tranchées par le haut.

Le management autoritaire met durablement l’équipe dans une dynamique passive et éteinte du point de vue de sa créativité. Cette communication engendre de la frustration.

Ce type de management entraîne une baisse d’estime de soi des salariés. Ici, le salarié est exclu de toute implication quant aux décisions ou actions à entreprendre et se sent impuissant. Les salariés les plus autonomes et les plus talentueux vont s’enfuir à la première opportunité.

Ce management peut fonctionner lorsqu’il s’agit de mobiliser rapidement les membres d’une équipe, dans des cas exceptionnels mais il n’est pas viable à long terme. En effet, il crée des tensions au sein des équipes, un mal-être professionnel et un turn-over important. Les salariés auront tendance à se désengager sur le long terme…


« Bien gérer » son entreprise n’est pas une excuse !

                                                                                            L'équipe juridique Droit-travail-france.fr