Conditions de travail : Free et Lidl épinglés par Cash Investigation. (2/2)
Sophie Le Gall a choisi d’enquêter sur le monde du travail en août 2016, juste après l’entrée en application de la Loi El Khomri destinée à favoriser la flexibilité en entreprise. « Dans une interview récente au magazine Society, le patron de l’opérateur, Xavier Niel, a lui-même affirmé que travailler dans un call-enter comme ça constituait l’un des pires métiers » a expliqué la journaliste de Cash Investigation, ajoutant « Nous avons voulu voir ce qui se passait ». Et ce qui s’y passe, à défaut de pénibilité physique comme chez Lidl, ce sont de réelles tensions dans les rapports sociaux et une sorte de pénibilité psychologique, cette fois.
Free : liste noire et management par la peur.
Le mot d’ordre chez Free semble être en effet « Pas de vague ». Comprenez, pas de débrayage, c’est-à-dire d’exercice de son droit de grève. Contester chez Free, ce serait prendre le risque de se retrouver sur la « liste noire des employés récalcitrants ».
A preuve, le témoignage d’un salarié ayant travaillé en région parisienne chez Mobipel (centre d’appels, filiale à 100% de Free) suite au débrayage de trois heures de plusieurs salariés. Il raconte en effet que, par la suite, il lui a été demandé en tant que responsable de transmettre à la Direction une liste de tous ceux ayant débrayés.
« Pour ces derniers, il leur sera quasiment impossible d’évoluer vers des postes à responsabilité. D’autant que la directrice des centres d’appels de Free a envoyé un mail aux représentant syndicaux où elle va leur dire que désormais, le site est considéré comme sensible et qu’ils vont arrêter les recrutements. Pendant quelques mois, les recrutements vont s’arrêter et les effectifs mois après mois font fondre. Trois ans plus tard, les effecifs ont été divisé par deux », commente Sophie Le Gall. Au total en effet selon l’enquête, ce centre qui comptait 650 personnes avant le débrayage a totalisé 248 départs à lui seul…
Une forme de « chantage à l’emploi » qui s’est également exercée au Maroc, où Free emploi quelques 1800 personnes. Plusieurs participants à une grève de protestation contre les conditions de travail en avril 2012 ont en effet été licenciés de la même façon…
Free : la capacité à licencier comme critère de recrutement.
Rentré comme simple télé-conseiller, ce cadre aujourd’hui licencié après dix ans d’ancienneté qui a gravi petit à petit tous les échelons jusqu’à devenir responsable de plateau explique : « Quand on m’a recruté comme responsable d’équipe, explique-t-il, une des questions qu’on m’a posée était : ‘est-ce que vous avez des états d’âmes à licencier des gens ?’ » Une question qui s’est avérée très pertinente puisqu’en quatre ans, cet homme avoue avoir du licencier plus d’une centaine de personnes. Une charge qu’il a eu de plus en plus de mal à accepter, ayant de plus en plus le sentiment de faire « des choses contre (ma) volonté ».
Jusqu’à ce jour où il a lui-même reçu un avertissement... « C’est mon tour ». Incapable de se lever un matin, son médecin l’a arrêté pour burn-out. Après plusieurs mois d’arrêt, il a fini par être licencié. « Ce qui a été très violent pour lui » commente Sophie Le Gall.
Très violent également, le licenciement d’un ancien responsable RH, licencié pour faut grave au motif qu’il avait « licencié des gens pour cause réelle et sérieuse et donc dépensé plusieurs milliers d’euros » rapporte Sophie Le Gall. Un licenciement qualité d’abusif par les Prud’hommes en décembre dernier (ndrl : le Groupe Free a fait appel).
Les journalistes de Cash Investigation ont tenté de savoir combien de procès pour licenciement abusif avaient été intenté contre Free. Mais, même en épluchant les chiffres de l’ensemble des Conseils de Prud’homme de France, Free est un groupe tentaculaire aux multiples filiales, « et encore, il ne faut pas oublier tous les salariés des centres d’appels (qui) n’ont pas le reflexe ni les moyens financiers de saisir les prud’homes. J’en ai rencontré plusieurs qui avaient renoncé », commente encore Sophie Le Gall.
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