Code du travail : l’accord des routiers, une brèche ouverte dans les ordonnances ?
On s’en souvient, la réunion sensée apaiser les syndicats du secteur routier n’avait pas eu l’effet escompté, loin de là. Les syndicats avaient en effet découvert à cette occasion que les salaires des routiers pouvaient être affectés à la baisse par les nouvelles dispositions puisque certains éléments de leur rémunération telles que les primes ou le 13ème mois sont désormais du ressort de l’employeur… et qu’ils craignent une forme de dumping social sur un marché extrêmement concurrentiel.
Et même si le gouvernement explique ne pas avoir touché « à l’esprit des ordonnances », il n’en reste pas moins qu’Elisabeth Borne et Muriel Pénicaud semblent bien avoir accepté une première exception notable aux nouvelles règles régissant le doit du travail en validant les termes de l’accord convenu entre les syndicats et le patronat dans le secteur du transport.
A preuve : les routiers ont suspendu leur appel à la grève le 10 octobre prochain. Reste une question : cet accord pourra-t-il faire tâche d’huile ? Est-ce un premier coup de canif dans les ordonnances ou un simple ajustement ?
Que prévoit l’accord du secteur routier exactement ?
« Jamais un transporteur routier n’aurait tiré ainsi les primes vers le bas, explique le vice-président de la fédération Transport et Logistique (TLF). Les syndicats ont vu la brèche et s’y sont engouffrés. Mais nous ne voulions évidemment pas bouleverser l’équilibre économique du secteur, ni la feuille de paie des chauffeurs, donc il fallait trouver une solution ».
L’accord prévoit donc que les primes de nuit, du dimanche et des jours fériés seront dorénavant intégrés aux salaires minimaux hiérarchiques. Elles changeront ainsi e nature afin d’intégrer le boc 1, c’est-à-dire les thématiques verrouillées par la branche. « Nous allons procéder à quelques modifications de notre convention collective avant d’intégrer ces éléments. Nous allons changer la nature juridique des primes en les transformant en un pourcentage de la rémunération afin que cela relève bien des salaires minima hiérarchiques, et donc de la branche », explique Claude Blot.
En clair il s’agit de calculer de nouveaux montants minima pour les salaires des routiers afin qu’ils puissent continuer de gagner la même chose. Plus de prime, plus de problème… C’est que résume le ministère du Travail dans son communiqué « Il n’y aura plus de prime dans les branche transports. Parce que tous les acteurs de la branche se sont mis d’accord sur ce changement. »
Quel est l’impact de cet accord sur les ordonnances ? Le Gouvernement se contredit-il ? Peut-il faire boule de neige ?
Côté syndicats, CGT en tête, on crie victoire en indiquant qu’il s’agit, à quelques semaines seulement de l’entrée en vigueur de la réforme, « d’une première entorse » voire d’un véritable « coup de canif » dans le texte… Ce que réfutent la rue de Grenelle comme les organisations patronales du secteur. Or, si sur le fond, fort est de constater que ces derniers ont raison et que les ordonnances ne sont pas touchées, sur la forme, il en va un peu différemment.
En effet, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, a très souvent utiliser ces fameuses primes ou le 13ème mois pour illustrer l’économie de la réforme. Ce faisant, elle confirmait que des sujets comme les primes ou certains éléments variables du salaire seraient négociables au sein de chaque entreprise…
Par conséquent, on pourrait penser que les syndicats soient tentés d’y voir un premier pied dans la porte, et donc de se lancer dans d’autres batailles. La CFE-CGC s’est ainsi félicitée de l’accord en indiquant : « En s’interdisant de déroger aux accords de branche sur les éléments de rémunération, les signataires décident unanimement de préserver les niveaux de salaire et ainsi d’empêcher la concurrence déloyale par le dumping social ».
La rue Grenelle n’y voit cependant aucune réelle menace, rappelant les spécificités du secteur routier et notamment le fait que la majorité du salaire est en réalité composé de primes. « Tous les secteurs n’ont pas intérêt à faire de même. Dans le secteur routier, l’écart entre les salaires réels et les salaires minimaux est très faible donc il est possible de procéder de la sorte, si l’écart est trop important, les salariés s’y perdent financièrement et aucune branche ne négociera ça. ».
Et en effet, on imagine mal comment un effet boule de neige pourrait se créer. Il faudrait pour cela un secteur dans lequel il existerait de nombreuses primes spécifiques… ce qui n’est pas évident. En outre, ne dit-on pas qu’il faut l’exception pour confirmer la règle ?
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