Burn-out : quelles sont les solutions pour prévenir le nouveau "mal du siècle" ?
Le burn-out serait-il le nouveau "mal du siècle" ? Plus de 3 millions de travailleurs en seraient menacés, les entreprises sont dans l'obligation de le prendre en considération dans l'évaluation des risques psycho-sociaux et certains appellent à la reconnaissance "au tableau" du burn-out comme une maladie professionnelle...
Le burn-out, qu'est-ce c'est ?
Le burn-out, c'est ce que nos parents appelaient surmenage ou syndrome d'épuisement professionnel. Fatigue chronique, démotivation, sentiment d'échec et/ou d'incompétence en sont les symptômes les plus connus.
Résultat d'un stress trop important consécutif à une surcharge de travail trop lourde ou trop prolongée ou à un manque de reconnaissance, le burn-out conduit souvent le salarié qui en est atteint à se consumer littéralement de l'intérieur, incapable qu'il se sent à faire face aux échéances ou aux objectifs fixés (que ce soit par lui-même ou par d'autres).
Pour Boris CYRULNIK, psychiatre et neurologue auteur des "Ames blessées" (éd. Odile Jacob, 2014), "le burn-out révèle (surtout) à quel point notre société surinvestit le travail et désinvestit les relations humaines, affectives et les fêtes quotidiennes qui sont nécessaires pour se sentir bien".
Le burn-out (ou épuisement professionnel) est-il réellement "le mal du siècle" ?
Au Moyen-Age, contrairement à ce que l'on pourrait croire ou penser, il y avait plus de jours de fêtes que de jours de travail. L'une des valeurs fondamentales de la société alors était la relation humaine ou la solidarité, selon le nom que l'on voudra lui donner. Ce n'est plus le cas aujourd'hui où, proportionnellement, il y a plus de jours de travail que de jours de fête. Et de nos jours, effectivement, le travail est devenu l'une des valeurs fondamentales -au détriment, donc de la relation humaine et des relations affectives.
Regardez les réactions autour de vous. Qu'un père souhaite bénéficier d'un congé paternité sera vu par la plupart d'entre nous comme un suicide professionnel, voire une absurdité (et que dire de ces hommes qui décident de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants ou qui épousent des femmes gagnant un salaire plus élevé que le leur !!). Qu'un père ne puisse pas assister à l'anniversaire du petit dernier, à la récitation ou au match de foot dominical pour cause de dossier à rendre impérativement... à l'inverse tout le monde comprendra -avec un petit pincement au coeur pour la chère tête blonde parfois, certes, mais...
Paraphrasant Sigmund FREUD, Boris CYRULNIK n'hésite d'ailleurs pas dans son livre "Les Ames blessées" a affirmer que "la réussite professionnelle n'est pas un critère de résilience", c'est souvent "un bénéfice secondaire de la névrose" puisque "en voulant trop réussir (...) on sur investit tellement la réussite sociale qu'on désinvesti tout ce qui fait la condition humaine jusqu'au jour où (...) on se demande pourquoi on ne peut plus se lever un matin".
Or, le vrai traitement contre la dépression rappelle Boris CYRULNIK, ce n'est pas la course à la réussite mais bien l'équilibre affectif. Pour lutter contre le stress ou le cafard, il faut sortir, sourire, voir du monde, nouer des relations sociales et profiter de son cercle affectif.
Quelles sont les raisons pour lesquelles il y a de plus en plus de burn-out aujourd'hui ?
Pour le célèbre neurologue, la société actuelle est marquée par une violence à la fois de plus en plus intense et de plus en plus masquée (ou socialement acceptée). Nous serions en effet passé de la violence physique telle que Zola la décrivait dans Germinal par exemple, à une violence morale banalisée. "On se parle mail, on se remet énormément et violemment en cause" décrypte le spécialiste.
Et force est effectivement de constater que s'il est rare de voir deux collaborateurs en venir aux mains dans les couloirs, il est en revanche beaucoup plus fréquent d'entendre Pierre rappeler à Paul avec plus ou moins d'insistance "les enjeux personnels" si tel ou tel rapport n'est pas remis en temps et en heure, de sortir d'une réunion au cours de laquelle "les chiffres parlent d'eux-mêmes : si on ne redresse pas la barre....", sans compter les innombrables récits de surmenages, de harcèlements, de blagues ou de gestes déplacées susceptibles de créer un climat délétère dans l'entreprise... Des situations somme toute "banales", ou banalisées, mais qui demeurent génératrices de stress.
Alors bien sûr, qu'un cadre soit stressé, c'est normal direz-vous. Cela va de pair avec les responsabilités. Et bien pas du tout ! Contrairement à ce que l'on pourrait penser, non, il n'est pas normal d'être stressé en allant travailler. Car le stress génère du cortisol et conduit à un état d'alerte plus ou moins permanent qui épuise petit à petit l'organisme.
Quelles seraient les solutions pour retrouver un équilibre personnel ?
Lorsque la violence était physique, elle générait de la solidarité. Solidarité du couple, solidarité du groupe pour "faire face" à cette violence et à ses conséquences. La littérature, le cinéma ou plus simplement l'histoire de chaque famille regorge d'illustrations de cette solidarité du quotidien (la même que nous envions souvent lorsque l'on évoque les pays aux économies moins développées mais plus solidaires, justement).
Or, le glissement d'une violence physique visible à une violence relationnelle ou psychosociale par essence invisible a entraîné la perte de la solidarité. L'individu est de plus en plus isolé dans sa course à la réussite. Il ne peut compter que sur lui-même et ses propres ressources, ressources que le stress latent vient épuiser de manière forte et, dans les cas les plus graves, de manière prématurée.
Pour Boris CYRULNIK, le diagnostic est très simple : le meilleure remède contre la dépression, "c'est l'affection et faire la fête". En remplaçant la violence physique par une violence psychologique et en valorisant la course à la réussite professionnelle au détriment des relations sociales, l'Homme moderne a perdu "l'effet tranquillisant" du groupe et de la solidarité.
Pour le neurologue, il est urgent de remettre le travail en tant que tel à sa juste place dans la société, d'une part, et d'autre part, de remettre l'humain et le rapport de confiance au centre de la relation de travail. Or, remettre de la confiance entre les collaborateurs, recréer du lien au bureau, n'est-ce pas précisément le sens de toutes les nouvelles techniques de management (flat management, lean management, méthode agile, ...). Et si, finalement, le burn-out n'était qu'un épiphénomène ?
Ingrid Tronet
Tronet Conseils, ingénierie RH et Développement
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