Accord collectif : désignation de délégués syndicaux
Références
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du jeudi 10 mai 2012
N° de pourvoi: 11-21388
Publié au bulletin Cassation
M. Lacabarats, président
M. Struillou, conseiller rapporteur
M. Weissmann, avocat général
SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 2143-3 et L. 2143-10 du code du travail ;
Attendu que si, en vertu des dispositions susvisées, une convention ou un accord collectif peut prévoir un périmètre pour la désignation du délégué syndical distinct de celui défini par les dispositions du code du travail, en revanche, ni un usage ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier ces dispositions ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que par un accord préélectoral unanime conclu le 14 décembre 2010 au sein de la société CFTA Centre Ouest, ont été décidées la mise en place d'un comité d'établissement "CFTA Centre Ouest de Brive" comprenant dans son périmètre les sites d'Objat et de Brive et l'élection de délégués du personnel dans chacun de ceux-ci ; que le syndicat CGT transports de Corrèze a désigné le 31 janvier 2011 Mme X... en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement d'Objat ;
Attendu que pour débouter l'employeur de sa demande d'annulation de la désignation de Mme X..., le tribunal retient qu'existait un usage local plus favorable que les dispositions légales par lequel avait été acceptée par l'employeur la désignation d'un délégué syndical sur le site d'Objat et que cet usage était encore en vigueur à la date de la désignation de l'intéressée ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence d'un accord collectif prévoyant la possibilité pour les organisations syndicales représentatives de désigner un délégué syndical dans un périmètre plus restreint que celui défini pour la mise en place du comité d'établissement, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 juillet 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance de Brive-la-Gaillarde ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Tulle ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.
COMMENTAIRE
Cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 10 mai 2012 (P. n° 11-21.388 ; JCP S 2012, 1373, note E. Jeansen) traite de la détermination du périmètre concernant la désignation du délégué syndical distinct de celui prévu par les dispositions du Code du travail notamment à l’article L. 2143-3.
Or, cette question est réglée par l’article L. 2141-10 du Code du travail et non l’article L. 2143-10 qui est visé par la Cour de cassation.
En effet, l’article L. 2141-10 alinéa 1 dispose : « Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle aux conventions ou accords collectifs de travail comportant des clauses plus favorables, notamment celles qui sont relatives à l’institution de délégués syndicaux ou de délégués syndicaux centraux dans tous les cas où les dispositions légales n’ont pas rendu obligatoire cette institution. »
La question posée était de savoir si le fait, que seuls les conventions ou accords collectifs de travail étaient expressément visés, excluait les autres sources du Droit du travail et en premier lieu, les usages.
A cette question, le Tribunal d’instance de Brive-la-Gaillarde, dans son jugement en date du 06 juillet 2011, avait répondu par la négative et avait donc donné pleine valeur à un usage plus favorable selon lequel bien que pour la mise en place d’un comité d’établissement, le périmètre de la société CFTA Centre Ouest comprenait les sites d’Objat et de Brive, il était possible d’élire un délégué syndical sur le site d’Objat
La Chambre sociale de la Cour de cassation s’en tenant à une interprétation stricte de l’article L. 2141-10 alinéa 1 du Code du travail a refusé de tenir compte dudit usage en mentionnant qu’il n’existait aucun « accord collectif prévoyant la possibilité pour les organisations syndicales représentatives de désigner un délégué syndical dans un périmètre plus restreint que celui défini pour la mise en place du comité d'établissement ».
Cette solution n’est pas surprenante car la même Chambre avait déjà eu l’occasion d’adopter la même solution à propos d’un problème similaire où le Tribunal d’instance d'Ivry-sur-Seine, le 24 septembre 2010, avait crû bon estimer que « le seul fait qu'il existe un comité d'établissement unique pour tous les sites d'Ile-de-France pour la mise en place des comités d'établissement ne saurait interdire aux organisations syndicales de désigner des délégués dans un autre cadre »
La Cour de cassation en reprenant textuellement la même motivation avait donc cassé ledit jugement (Cass. soc. 18 mai 2011, P. n° 10-60.406, Bull. 2011, V, n° 120 ; JCP S 2011, 1404, note J.-Y. Kerbourc’h).
Ainsi, elle introduit une hiérarchie dans les normes concernant l’application de l’article L. 2141-10 du Code du travail et des dérogations qu’il prévoit.
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