L’astreinte, un cocktail explosif entre contrainte et liberté
L’astreinte « s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable. » (L3121-9 code du travail)
Le salarié est donc chez lui, dans l’attente d’une mission. Il se peut donc qu’il soit à domicile et qu’aucune astreinte ne soit déclenchée. L’astreinte est donc une manière de travailler qui oscille entre contrainte et liberté. L’astreinte se différencie du régime de la garde où le salarié est obligatoirement présent sur le lieu de travail.
L’astreinte doit être prévue par une convention/accord d’entreprise/établissement, à défaut par une convention/accord de branche, ainsi il ne peut être refusé par le salarié (L3121-12 du code du travail). En outre, si l’employeur décide lui-même de l’astreinte, le salarié pourra alors la refuser.
L’astreinte, une contrainte
L’astreinte peut avoir lieu de jour comme de nuit. L’employé sera alors en action de travail dès lors qu’il quitte son domicile et ceux jusqu’à son retour. (L3172-6 code du travail & Cass. Soc., 31 octobre 2007, n°06-43834).
Quant à la rémunération, celle-ci sera moindre lors d’une astreinte par rapport à une garde. En effet, le salarié sera payé à un taux horaire moins important lorsqu’il est à domicile et sera rémunéré au taux normal dès lors qu’il passera en temps de travail (ex : messager du transport de produit sanguins labiles et produit d’origine humaine avec fonctionnement garde/astreinte).
L’astreinte est contraignante en ce sens qu’elle oblige le salarié à réduire ses activités, pourtant, si aucune intervention n’a lieu, l’astreinte prendra alors la tournure d’un simple repos. Le salarié n’aura pu sortir de son secteur alors même qu’il était au final en repos hebdomadaire. Cela peut impacter le mode d’une vie du salarié qui, au final, dépendra toujours de quelque chose qui n’arrivera peut-être pas toujours.
L’astreinte, une part de liberté
Il faut comprendre que le salarié, dès lors qu’il est d’astreinte est, en quelque sorte libre. Ả partir du moment où ce dernier reste dans le secteur défini, il pourra si cela est autorisé, aller chercher ses enfants à l’école, aller dans les magasins…cependant la liberté n’est pas intégrale puisqu’il se devra de répondre à tout appel de son employeur et abandonner toute activité extérieure en cas de nécessité (ex : sapeur-pompier volontaire au régime de l’astreinte).
L’astreinte est en quelque sorte mise à disposition du salarié. Il ne faut donc pas oublier qu’en dehors d’une astreinte, le salarié ne peut être sollicité par son employeur à défaut de quoi celui-ci sera alors considéré comme effectuant une astreinte (Cass. Soc., 12 juillet 2018, n°17-13.029). Ainsi, une sorte de protection se créé avec ce système, soit l’employée est de garde (totalement disponible), d’astreinte (reste disponible), ou repos (indisponible).
Vers une réforme contrant une incertitude permanente ?
La question de l’accumulation d’heures de travail se pose. Il est possible qu’un salarié quitte sa journée de travail et passe d’astreinte sur son temps de repos. Cela peut paraître anormal dans le cas où l’employé subit une astreinte mouvementée. Ainsi il aura alors accumulé beaucoup d’heure et pourtant il se peut que le surlendemain ce dernier soit à nouveau en horaire habituelle puis en astreinte de nouveau derrière. La santé physique et mentale pourrait être impactée en cas d’accumulation de temps de garde et de temps d’astreinte durant lequel le travail est récurrent. En outre, la loi El Khomri ( 8 août 2016, n°2016-1088) est venu revoir le mode de calcul du temps de repos, sur la base de onze heures de repos, si le salarié a déjà pris cinq heures de repos avant son astreinte, il ne lui restera donc plus que six heures après son astreinte alors même que celle-ci peut être éprouvante. Cependant, la durée de repos doit être égale à celle de l’intervention. Cela laisse un certain flou tout de même quant au calcul du repos.
L’astreinte reste donc un mode de travail assez flou. Les généralités sont définies, parfois imparfaitement, pourtant ce mode de travail tend à se développer de plus en plus. En effet, cela permet de diminuer le coût d’un salarié pour une entreprise. Le manque de prise au sérieux de ce fonctionnement pourrait l’amener à sa perte. Une personne à la recherche d’un emploi préfèrera peut-être favoriser un emploi stable (garde) à un emploi fonctionnant beaucoup à l’astreinte lui apportant un manque de confort même si cela se contrebalance par plus de liberté et moins de subordination…
L'équipe juridique Droit-Travail-France
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